Histoire :
Une joie se transforme bien vite en malheur.
L’heureux couple des Kirihana allait bien assez tôt fait d’en faire l’expérience.
C’était le mois d’avril, les cerisiers étaient en fleurs et la journée était tiède. Lui avait 27 ans, elle 26. Leur enfant allait naitre dans la journée, comme prévu par les médecins. Que pouvaient-ils espérer de mieux ?
"Il est mort..."Dés que l’accouchement avait commencé, les sages-femmes avaient compris que quelque chose n’allait pas. Elles s’étaient soufflé le mot entre elles lorsque le bébé avait montré sa tête. Une tête bleue, signe d’asphyxie. Le cordon ombilical s’était enroulé autour du fragile cou du nouveau né et avait l’empêchait de respirer ses premières bouffées d’air. Il fallu faire dans l’urgence. Si l’on ne perdait pas de temps, il y avait une chance de garder cette petite chose en vie. Sans attendre, sans explication, on rompit le lien entre le fils et la mère pour l’éloigner dans une pièce voisine, où l’on pourrait tenter de le rétablir.
Le verdict fut rendu aux parents, toujours sous le choc, le lendemain matin. Le petit Eishi avait gagné sa place dans le cycle de la vie, finalement…
Une naissance difficile ? Il n’en faut pas autant pour que des parents couvent leur enfant unique. Il faut aussi préciser que M.Kirihana en avait parfaitement les moyens. Eminent banquier de Tokyo, sa famille s’était établie dans la région à l’époque de son grand père, originaire d’Osaka. Depuis, la gestion exemplaire de leur banque par les directeurs qui se succédaient de père en fils avait conduit à la prospérité de leurs placements. Le petit Eishi était donc assez bien tombé pour quelqu’un qui avait faillit mourir dés la naissance. Déjà, sans qu’il s’en rende compte, la famille réunie qui s’extasiait sur son petit corps endormi et le disait "chanceux".
Ses premières années confirmèrent d’ailleurs cette impression. Toujours chouchouté par ses parents, Eishi avait l’impression d’être libre dans leur grande propriété, où il vivait en vérité enfermé. Mais il n’avait pour le moment rien à attendre de l’extérieur. Le gamin de quatre ans avait un petit parc rien que pour lui, tous les jeux qu’il désirait, et ses parents invitaient souvent des amis ayant des enfants aux aussi. Qu’espérer de plus pour ce petit être encore innocent ?
Mais ses parents ne pouvaient pas non plus le gardé cloitré chez lui jusqu’à la mort, bien qu’ils l’auraient fait s'ils avaient pu. Il fallut envoyer Eishi à l’école primaire. Ses parents optèrent pour un établissement privé, soucieux de son "bon développement".
Le garçon apprenait sans trop se fouler. Il avait des résultats à peu prêt corrects, et même lorsque ses résultats étaient décevants, on s’apercevait bien vite qu’il n’était pas du genre à répéter ses erreurs. Dés les premières années de scolarisation, Eishi se mit à lire. Il lisait presque tout ce qui lui passait sous la main, romans de toutes sortes, réalistes, fantastiques, policiers, à l’eau de rose, tout lui semblait bon à prendre. Et c’est ainsi, à force de s’abîmer les yeux dans des nuits blanches à lire des livres, que le garçon se retrouva forcé de porter des lunettes.
Jusqu’au collège il n’était qu’un gamin dans la masse de ceux inscrit dans son établissement. Plutôt immature, les professeurs le réprimandaient souvent pour son attitude toujours irrespectueuse envers les autres. Il fallut attendre de tomber sur un enseignant particulièrement dur et sévère lors de sa dernière année de primaire pour le faire grandir un peu, car jusqu’ici le gosse n’avait pas compris que les autres êtres humains pensaient par eux-mêmes. Mais ça ne le rendit pas plus doux avec les autres, juste plus calculateur.
A son entrée au collège, Eishi commença à se bouger un peu dans ses études, se rendant compte que ce qu’il faisait n’était plus suffisant pour espérer mériter l’attention que lui portaient ses parents. Ses résultats furent alors largement au-dessus de la moyenne. Pas exceptionnels, mais assez bons pour rendre fiers ses parents. Ces résultats étaient constants, et Eishi pris finalement avec ses parents la décision de s’inscrire à des clubs plutôt qu’à des cours du soir. Son choix se porta sur le Kyudo et sur un club de lecture. Le premier car c’était le seul sport qui lui semblait intéressant, le second parce que sa passion pour les romans ne s’était jamais éteinte.
C’était la belle vie. La vie d’un gosse qui avait eut tout ce qu’il voulait. Le gosse avait ses bons et ses mauvais côtés, mais tout le monde le considérait comme un "chanceux".
Eishi avait pourtant un vilain défaut que peu connaissait : il avait horreur de fréquenter les étrangers. Leurs manières d’être lui semblaient trop différentes des siennes, ce qui leur valait du mépris de sa part. Dans son collège, il avait trouvé une bande d’amis qui partageaient cette opinion. Le groupe que fréquentait Eishi n’était pas violent, juste assez méprisant envers les Hafuu, comme ils les appelaient, pour les rabaisser de manière satisfaisante. Loin d’être profondément raciste, Eishi se tenait en retrait lorsque ses camarades harcelaient leurs cibles favorites, imaginant ce que son père risquait de lui faire subir si jamais il était pris dans une situation trop indigne pour lui…
Cette vie sans soucis continua jusqu’aux examens d’entrée au lycée. Eishi avait laché ses clubs afin de se consacrer à ses révisions. Les examens en eux-mêmes furent rapides, même trop. Tant de révisions pour quelques heures de véritable labeur, ça semblait trop insuffisant pour lui. A la sortie des examens, il fut invité par ses amis à une sortie en ville pour fêter ça. Comme ses parents le laissaient relativement libres lors de ses sortis, Eishi les suivit sans hésiter. La soirée fut sympathique jusqu’à ce que l’un d’entre eux propose un défi aux autres. Il s’agissait d’une maison abandonnée et soi-disant hantée qui se trouvait à quelques rues d’ici. Ils y entreraient chacun leur tour et le dernier à en ressortir se ferait offrir le petit déjeuner du lendemain par les autres. Eishi, qui avait sans doute lu trop d’histoires lugubres avec des maisons abandonnées, suivit pourtant les autres, pas rassuré du tout.
Etrangement, Eishi fut tiré au sort pour entrer en dernier, lorsque tous les autres se seraient dispercés dans la maison. Le gamin attendit un moment à l’extérieur avant d’entrer par une porte de derrière. Ses compagnons devaient s’être terrés quelque part, car aucun bruit à part les craquements du plancher sous ses pieds ne lui parvenait. Mais au tournant d’un couloir du premier, une grosse chose informe se jeta sur lui depuis l’ombre du tournant. Pensant qu’il était victime d’une attaque, Eishi se débattit en criant, avant de se rendre finalement compte que son adversaire était une affreuse couverture maintenue par ses compagnons. Lorsqu’il parvint à se dégager, tout ce qu’il vit de fut l’hilarité des autres qui se moquaient de lui. Ca aurait pu être une simple farce de camarade à camarade, mais pour Eishi, une telle humiliation était tout bonnement impardonnable. Sentant le rouge lui monter au joues, il couru jusqu’à l’escalier pour partir en vitesse. Mais alors qu’il descendait les marche, il senti le vieux bois s’effrondrer sous lui. Avant qu’il puisse comprendre quoi que ce soit, Eishi faisait une chute d’une dizaine de mètres pour s’écraser sur le sol de pierre dure du rez-de-chaussée en ressentant une violente douleur à sa hanche gauche. Ce fut tout ce qu’il pu enregistrer avant de sombrer dans l’inconscience.
Le lendemain, Eishi se réveilla dans une clinique de la ville. Il avait été retrouvé le matin même par le gardien de la vieille maison. Sa hanche gauche avait été entaillée par un morceau de bois qui se trouvait dans les sous-bassements de l’escalier, mais il n’avait pas perdu trop de temps et s’en remettrai. Ce fut ensuite au tour d’un policier de venir lui demander ce qu’il fichait au milieu des décombres d’un escalier dans une maison abandonnée. Eishi répondit tout naturellement que des camarades de classe l’avaient de force entrainé dans cette maison pour lui jouer un mauvais tour et que l’histoire avait mal tournée. Il affirma de la même manière que les autres devaient s’être enfuis après l’avoir vu dans cet état, et bien entendu il cita leurs noms. Cela sans le moindre regret. Juste pour leur rendre la monnaie de leur pièce. Quelques jours plus tard, Eishi pu quitter la clinique. Le medecin affirmait que ce garçon était un chanceux, si le pique de bois s’était trouvé à un autre endroit, le garçon aurait pu en mourir dans l’heure qui suivait.
"Chanceux" ? Ce n’était pas l’impression qu’avait Eishi. L’affaire n’empêcha pas ses anciens camarades d’entrer l’année suivante dans le même lycée que lui. Là, ils lui menèrent la vie dure, l’excluant dés qu’ils en avaient l’occasion, se moquant de lui par vengeance de les avoir dénoncés, et surtout entrainant tous les autres à faire de même. La vie lycéenne d’Eishi fut bientôt un véritable enfer : sitôt les cours terminés, il rentrait immédiatement chez lui pour réviser, lire, ou encore s’essayer à la photographie. Ses seuls moments de libération étaient les heures qu’il passait à son club de Kyudo. Là il n’y avait personne pour le harceler et il pouvait se prouver à lui-même qu’il était encore bon à quelque chose. Sentir qu’on pouvait mettre une fleche là où on le voulait, toucher juste, savoir que c’était un bon résultat, ce sentiment manquait terriblement à Eishi. Le jeune homme alla même jusqu’à s’acheter son propre arc pour s’entrainer dans la propriété de ses parents, presque comme un enragé, essayant même souvent de lancer autre chose que des flêches sur sa cible...
Ses parents, eux, ne se rendirent compte qu’il se passait quelque chose que lorsqu’ils virent les résultats de leur fils chuter d’une manière alarmante. Pour eux, l’histoire de la maison hantée s’était forcément déroulée comme leur fils l’avait raconté. Il ne pouvait en être autrement. Mais lorsqu’ils menacèrent de le désinscrire de ses clubs et de l’inscrire à des cours du soir, Eishi, à bout et profondément vexé, se brouilla pour la première fois avec eux.
Ce fut ce moment que choisis la lettre de Ryuuketsu pour arriver à la demeure des Kirihana. On y mentionnait un enseignement parfaitement adapté à Eishi, doublé d’un taux de réussite qui défiait toute concurrence. Ses parents y virent là une parfaite solution pour remonter les résultats de leur fils et une chance d’entrer dans une prestigieuse école qui ne se représenterai peut-être jamais aussi facilement. Pour Eishi, quand à lui, cette lettre apparaissait comme une porte de sortie à l’impasse où il se trouvait. Un nouveau lycée où personne ne pourrait l’empêcher de faire ce qu’il voulait et où personne ne saurai ses actions passées. Le rêve en somme.
L’affaire fut vite réglée et c’est de cette manière qu’Eishi arriva en cours d’année à Ryuuketsu.
Au début, tout sembla normal au jeune homme : l’établissement était bien organisé, batit sur un cite magnifique, on leur donnait même un portable à leur arrivée et les cours ne furent pas durs à reprendre. Mais au bout d’un mois ce fut la désillusion. Eishi ne pouvait pas sacquer le jardinier qui lui donnait d’irrépressibles frissons rien qu’à sa vue, et ça n’alla pas en s’arrangeant lorsqu’il apprit les rumeurs sur ses pratiques vaudou. De plus, toutes les histoires de fantômes et d’esprit sur chaque centimètre carré de l’île lui tapaient sur le système. Il ne pouvait plus supporter ce qui touchait de prêt ou de loin à l’occulte depuis l’histoire de la maison abandonnée.
Eishi passa donc ce qui restait de sa première année de lycée à observer en retrait ce qui se passait autour de lui, préférant observer les autres élèves afin de bien choisir ceux avec qui il se lierait d’une manière ou d’une autre. Sa prochaine année scolaire s’annonçait pour le moins interessante…